
ALT/TAKE
François Grivelet
LE PROJET
Installation composée d’un ensemble d’environ 50 œuvres de François Grivelet.
Photographies réalisées à partir de film inversible couleur traité chimiquement, fruit d’un travail expérimental spécifique.
Pour l’exposition : Impressions laser noir et blanc grand format.
Projet inédit réalisé dans le cadre des Rencontres Photographiques du 10ème arrondissement de Paris.
GALERIE
INSEEC MSc & MBA, Paris
10 rue Alibert 75010 Paris
Exposition du 14 novembre au 2 décembre 2017
PRESENTATION
Artiste pluridisciplinaire, François Grivelet, né en 1988, est tout à la fois photographe et réalisateur de films. C’est la découverte, à l’adolescence, de la street-photography américaine et de la photographie japonaise des années 70 qui sera le déclencheur de sa passion et le fera partir quelques années plus tard à New York, pour étudier le cinéma et la photographie au Brooklyn Collège. Cette période d’apprentissage exaltante, nourrie par une immersion dans la ville, un long travail de recherche sur le medium photographique et des expérimentations diverses, va lui permettre de trouver et de développer un mode d’expression singulier. François Grivelet travaille alors en se réappropriant toutes sortes de supports et de dispositifs (altérations chimiques, interventions sur le négatif, combinaison de techniques analogiques et digitales etc.), ces approches expérimentales étant tout aussi importantes, si ce n’est davantage, que la prise de vue elle-même.
Dans sa série alt/take, dont une sélection d’œuvres est présentée dans les locaux de l’INSEEC suivant un accrochage particulier, le photographe expérimente une autre manière de prendre des photographies : celle de les reprendre. Sa démarche nous le rappelle : la photographie, ce sont les chimistes qui l'ont inventée hier. Pour la réinventer aujourd'hui, François Grivelet doit donc l'être tant soit peu aussi. Il est l'un de ceux qui photographient comme d'autres peignent, retournant par là même à l'origine du mot : « dessiner avec la lumière », si bien que l'esthétique de ses photographies semble faire écho au pictorialisme, voire au néo-pictorialisme.
C’est au gré de ses flâneries que François Grivelet découvre, dans une vieille boutique d’électroménager à Lourdes, un stock de pellicules périmées depuis les années 80. Ce sera la genèse de alt/take, série de photographies née d'une appropriation heureuse et fruit du hasard ; et le point de départ d’un travail plus plastique, abstrait et pictural, détaché de sa dimension documentaire et anecdotique.
Une des spécificités de cette série réside dans la démarche de l’artiste, qui compose les images après la prise de vue et le traitement chimique. Il accumule d’abord un large matériel, de façon aléatoire, quotidienne, sans se soucier des sujets. Puis, à partir de ce matériel, et de ce qui « survit » au traitement chimique, il recadre et compose des images, des paysages, des sensations, parfois des portraits. Souvent, les résultats ne sont pas concluants : la pellicule trop abîmée ne permet pas de faire surgir une image satisfaisante. L’usure de la pellicule devient un élément déterminant de cette recherche plastique. Dans la chambre noire, il n'a de cesse de travailler, de retravailler, à sa manière, la matière par la matière, jusqu'à ce que ce reste d'émulsion transforme la réalité en une idéalité mystérieuse tout en nuances de gris, si mélancolique.
Pour cette exposition inédite, l’artiste a souhaité renoncer aux accrochages fine art classiques pour privilégier une proposition plus « radicale », proche du happening, en saturant les murs de l’espace d’images en noir et blanc. Ces photographies ont été tirées avec une machine industrielle à plans, et se présentent sous la forme d’une frise, sans séparations, pour permettre une immersion totale dans la série et s’adapter au lieu d’exposition, qui est un lieu de « passage ».
EXPOSITION
Artiste :
François Grivelet
Site de l’artiste : http://francoisgrivelet.com
Conception du projet et installation :
François Grivelet
Commissariat et réalisation de l’exposition (MANI):
Pierre Allizan
Julian Boonen
Giulia Cordier
Marjorie Estreguil
Wenting Ji
Sarah Landau
Guoping Li
Chenchun Lu
Yanwen Pu
Emilie Quint
Alexander Rybin
Florent Sinnah
Chang Yu
Xibei Zhu
Ye Zhu
Organisation :
MAACASSO
Contenu éditorial/Rédaction des textes (MANI):
Julian Boonen
Sarah Landau
Production/Logistique/Coordination (MANI) :
Giulia Cordier
Marjorie Estreguil
Pierre Allizan
Communication/Partenariats (MANI) :
Emilie Quint
Chang Yu
Ye Zhu
Wenting Ji
Guoping Li
Yanwen Pu
Chenchun Lu
Xibei Zhu
Florent Sinnah
Conception et réalisation graphiques (MANI):
Alexander Rybin
Accrochage exposition :
Santiago Aldunate
Coordination générale, encadrement et suivi du projet des étudiants :
Elise Jasmin (INSEEC)
Direction du MSc MANI des MBA INSEEC, Paris :
Anne Thoumyre
INTERVIEW DE FRANÇOIS GRIVELET
Pourriez-vous vous présenter, François Grivelet ?
Je suis artiste-photographe, je réalise aussi des films et je m’occupe de la direction photo d’un magazine papier : Gonzaï Magazine.
Quel a été le déclencheur de votre passion pour la photographie ?
À l’adolescence, en découvrant la street-photography américaine des années 70 et la photographie japonaise de la même époque. Je suis parti aux États-Unis, à New York, pour étudier le cinéma et la photographie au Brooklyn College. Mais j’ai passé bien plus de temps dans la rue à faire des photos, à traîner à la bibliothèque de l’ICP et à expérimenter dans la chambre noire de l’université (où je dormais parfois !). Cette période d’apprentissage exaltante a été capitale dans mon parcours, et a renforcé ma résolution à développer un mode d’expression propre en photographie.
Avec quel appareil photographique travaillez-vous, François Grivelet, et surtout de quelle manière travaillez-vous vos photographies pour qu'elles aient cette esthétique si particulière ?
Je travaille avec toutes sortes d’appareils, d’outils et d’associations de techniques, analogiques et digitales. J’effectue tous les travaux chimiques et de postproduction moi-même, c’est un facteur crucial de mon processus de création. Tout aussi important, si ce n’est davantage, que la prise de vues. Je travaille sur des techniques alternatives, pour ne pas dire ‘‘déviantes’’. J’essaie en permanence d’attaquer, de faire vaciller la nature même de l’image photographique, de son support physique. D’ailleurs je considère que je produis des images, des anomalies, et non des photos.
Expliquez-nous la genèse de cette série ?
Une des spécificités de cette série est que je compose les images après la prise de vue et le traitement chimique. J’accumule d’abord un large matériel, de façon assez aléatoire, quotidienne, sans me soucier des sujets. Puis, à partir de ce matériel, et de ce qui ‘‘survit’’ au traitement chimique, je recadre et compose des images, des paysages, des sensations, parfois des portraits. J’essaie de proposer une vision. Ces images ont toutes été produites à partir d’un stock de pellicules périmées depuis les années 80, acheté dans une boutique d’électroménager en faillite, à Lourdes. Il a fallu ‘‘dompter’’ la très faible émulsion restante sur les films, et trouver des moyens de la révéler, de collaborer avec cette matière fragile. Quand le stock sera écoulé, ce travail en sera terminé, c’est une limite matérielle : je devrais alors chercher de nouvelles techniques.
Qu’elle est la place de cette série par rapport à l’ensemble de votre production photographique ?
C’est une série importante, car elle m’a forcé à changer radicalement de méthode et de mode d’approche. Les limites du visible engendrées par la fragilité du support m’ont contraint à réapprendre à voir, à développer une approche plus picturale, à me débarrasser de mes vieilles habitudes. Cela a aussi cristallisé, je pense, la direction dans laquelle je souhaite inscrire mon travail à venir. Une photographie plus plastique, abstraite, picturale. Qui se rapprocherait davantage de la peinture et se désisterait au maximum de sa valeur documentaire, de toute anecdote. Cette série précède, je l’espère, d’autres travaux et recherches qui s’inscriront dans cette direction. Pour finir, cette série fait aussi le lien avec mon travail précédent, Hassles (qui fera l’objet d’un ouvrage), et un prochain, en cours, In the light of the Miracle.
Connaissez-vous des artistes anciens et contemporains qui ont travaillé cette dimension expérimentale dans la photo ?
Dick Braeckman est une référence, et une influence esentielle pour mon travail, il a montré la voie. La nouvelle scène japonaise également (Daisuke Yokota, Sakiko Nomura, Hiroshi Takizawa, Takashi Kawashima…), Stephen Gill, Alexander Bilder, Anthony Cairns, Arnau Blanch… Chaque jour de nouvelles maisons d’édition et de nouveaux photographes passionnants émergent et s’emploient à emmener la photographie vers une approche plus expérimentale.
Quelles sont vos sources d’inspiration, quelles qu'elles soient, tant photographiques que cinématographiques, tant musicales que picturales, voire même littéraires, en un mot, artistiques ?
Je suis autant influencé par la littérature, le cinéma la peinture, la musique... Je suis influencé continuellement par ceux qui m’entourent. Cette série s’intitule « alt/take », qui est un terme technique plus spécifique à la musique et qui consiste à repenser, porter un regard différent, alternatif sur une prise, un morceau ou un enregistrement. J’ai essayé d’appliquer cette idée à la photo, et cela a été le « leitmotiv » de cette série. De fait, la musique expérimentale (Sun Ra, Brian Eno, Arthur Russell, Can, Section 25, Psychic TV, Gas…) a une profonde influence sur mon travail. J'en écoute en continu, en prenant des photos, en post-produisant mes images, dans le labo. Dans sa dynamique expérimentale, la musique est le médium qui se rapproche le plus de mon approche photographique, en termes de sensations.
François Grivelet, exprimez-vous votre sensibilité d’artiste seulement par la photographie ?
C’est pour moi le médium le plus évident, le plus accessible, de par son intuitivité, son coût faible et ses possibilités infinies. C’est une pratique plus solitaire, qui permet l’introspection. J’écris et développe aussi des films, mais c’est un processus différent, qui s’inscrit dans le temps, et me permet d’exprimer des idées complètement différentes. Ce sont des pratiques complémentaires. La photographie est, pour moi, un travail axé davantage sur l’image elle-même, sur la forme, que sur le discours. La photographie est un travail quotidien, qui me permet de prendre du recul, de tenir à distance certaines choses et… …d’être constamment occupé !
Comment définiriez-vous votre style photographique propre ?
Je ne pense pas qu’un artiste devrait jamais définir lui-même son style où la manière dont le public doit l’approcher, c’est un peu suspect. C’est le boulot des critiques, et ils le font avec plaisir, vous pouvez me croire !
Où avez-vous déjà présenté votre travail ?
Dans la presse, des magazines et des livres. Aussi quelques expositions, mais c’est assez rare. Je me sens plus proche du livre que de l’exposition, c’est un médium où je me sens plus… confortable. L’exposition doit être le moment d’une proposition marginale, performative. C’est plus difficile, cela nécessite d’autres moyens. Accrocher de jolis tirages fine-art sur un mur m’ennuie. Pour alt/take, j’ai eu une intuition, la série colle avec une idée que j’ai en tête depuis longtemps, un peu dans l’esprit de la galerie CAMP, où Keizo Kitajima saturait l’espace de tirages, les révélant en projetant du révélateur sur les murs tapissés de papier. J’ai voulu essayer de proposer un accrochage radical, proche du happening, à l’opposé des accrochages fine-art traditionnels, en remplissant les murs de l’école d’images en noir et blanc. Ces images ont été tirées avec une machine industrielle à plans, et se présentent sous la forme d’une frise, sans séparations, pour permettre une immersion totale dans la série et s’adapter au lieu d’exposition, qui est un lieu de « passage ».