Raom et Loba
Raom & Loba sont deux artistes qui travaillent ensemble depuis 1997. Raom, né en 1962, originaire de Buenos Aires, artiste plasticien, s’installe en France en 1995. Son expression artistique se transforme radicalement au contact des technologies digitales. Loba, née en 1972, originaire de Paris, est designer graphique, directrice d’éditions d’art et de littérature. C’est en 1998 que naît le studio de création Expériences Visuelles consacré à la photographie plasticienne stéréoscopique et aux procédés de l’image en relief.
L’attrait de ce duo d’artistes pour l’image en relief et la vision binoculaire est devenu l’un de ses signes distinctifs, toutes les images sont réalisées et travaillées en stéréoscopie et peuvent être visualisées en relief grâce à des dispositifs créés par les deux artistes. Ce procédé, qui restitue la vision naturelle binoculaire (avec les deux yeux), permet l’appréciation des distances et de la profondeur, donc du relief. Cet aspect technique apporte une autre dimension à la perception de leur univers mais c’est également l’expression de leur collaboration, le double regard qu’ils portent sur la réalité, et l’investissement dans le processus créatif de leurs imaginaires respectifs à parts égales. Raom & Loba conçoivent leurs compositions comme des tableaux où peuvent cohabiter des objets réels ou imaginaires. Leurs travaux sont organisés en séries thématiques, et chaque image est une mise en scène de ce que qu’ils appellent des « micro-fictions ». Il faut noter d’autre part que leur démarche n’est pas prisonnière d’une forme ou d’une esthétique figée : ils lui conservent sa ductilité en gardant leur liberté dans l’expérimentation formelle et de nombreux travaux satellites (dessins, gravures, sculptures, objets, installations vidéo). De même, si certaines de leurs images sont très construites, produites entièrement dans leur studio avec des techniques complexes, d’autres travaux se basent sur la prise directe.
Dans la nouvelle série STEREØTOPIES, sélectionnée dans cette publication et l’exposition qui l’accompagne, nous sommes de nouveau dans une phase d’images construites mettant en œuvre la part plus symbolique ou conceptuelle de l’engagement des artistes.
Le projet STEREØTOPIES, est une recherche formelle sur le paysage dans sa représentation comme objet de fiction (reprenant à ce titre au pied de la lettre le terme Landscaping au sens strict de « fabriquer des paysages »). Plastiquement, le processus créatif engagé dans le projet STEREØTOPIES entremêle et combine constamment et étroitement le réel et le virtuel, l’unique et le multiple, le manuel et le numérique, la sculpture, la photographie, la peinture…
Les artistes réalisent des sculptures monochromes, en taillant à la main dans un matériau dont la surface est volontairement laissée brute. L’échelle réduite et la stylisation poussée évoquent l’esthétique faite de « facettes » de modèles 3D, Les imperfections, les gestes et l’empreinte de l’outil sont parfois visibles et indiquent clairement que ce n’est pas la réalité ni une imitation de la réalité : ce sont des objets fictifs concrets.
Les artistes empruntent le langage de la reconstitution de sites disparus (dioramas historiques et archéologiques) ou de la préfiguration de projets paysagers ou architecturaux (maquettes conceptuelles), mais sans aucun discours pédagogique. En créant un paysage imaginaire peuplé d’icebergs flottants, Raom & Loba rappellent à l’homme la fragilité de ces colosses de glaces qui nous paraissent indestructibles. Ils mettent en avant le double paradoxe d’un état solide, passager et fragile…à quelques degrés près, rattrapé par son opposé liquide qu’il dominait jusqu’alors majestueusement. Les artistes posent aussi la question du paysage imaginaire puisque disparu. Peut-on recréer ce paysage de mémoire ? Pourrait-on redessiner sans cesse, obstinément, le visage du monde tel que l’on s’en souvient ? De là, Raom & Loba nous présentent une illusion qui questionne. Construire ces paysages comme des utopies, l’illusion d’un monde inaltéré, pour ne pas oublier que l’on risque d’en faire un souvenir.